Chirurgie des récidives de la grande veine saphène : la présence de varices diffuses sans tronc résiduel saphène drainant est un facteur de mauvais pronostic pour le résultat à long terme

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Chirurgie des récidives de la grande veine saphène : la présence de varices diffuses sans tronc résiduel saphène drainant est un facteur de mauvais pronostic pour le résultat à long terme

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RESUME

Objectif : Evaluer les résultats à long terme de l’ablation complète des troncs saphènes et des varices dans le cadre de l’intervention pour récidive variqueuse de la grande veine saphène (GVS). Etudier l’évolution du système veineux superficiel après la suppression de tous les troncs grandes saphènes principaux et accessoires.

Méthode : L’étude a porté sur les réinterventions chirurgicales inguinales pour néojonction fémoro variqueuse (NJFV) définie comme étant une nouvelle communication veineuse entre la veine fémorale et les varices ou les veines superficielles de la région inguinale. Cette nouvelle communication était située sur l’ancien moignon de crossectomie. Avec la résection de la NJFV, l’intervention comprenait l’ablation complète des varices et éventuellement le stripping d’un tronc résiduel incontinent de la GVS. Parmi les 137 patients réopérés (170 membres), 100 patients (119 membres ) ont été réexaminés cliniquement et par écho-Doppler à 5 ans.

Résultats : Après 4,9 années de suivi, des varices résiduelles ou des veines superficielles incontinentes ont été observées sur 27,7 % des membres opérés. Sur 45, 3 % des membres opérés, des varices diffuses sans reflux entre le système profond et le système superficiel ont été observées, habituellement (P=0.001), entre 2 territoires anatomiques contigus. Sur 26,8 % des membres opérés, de nouvelles varices avec une nouvelle communication incontinente entre le système profond et le système superficiel a été retrouvée (dans 5 cas il s’agissait de la formation d’une nouvelle NJFV inguinale). Après 5 ans, les récidives variqueuses étaient associées de façon significative à la présence, en préopératoire, de varices diffuses sans tronc saphène insuffisant résiduel (P=0.015), et significativement associées à un nombre plus important d’incisions de phlébectomies durant l’intervention de récidive (P= 0.02).

Conclusion : Dans le cadre de la chirurgie de la récidive grande saphène, la présence de varices diffuses sans tronc résiduel drainant est un facteur de mauvais pronostic à long terme. Après l’ablation complète des varices et des troncs saphènes résiduels incontinents, 27,7 % des cas seulement ne présentent plus aucune varice après 5 ans de suivi. La présence d’un réseau variqueux diffus sans tronc saphène résiduel incontinent est un facteur de mauvais pronostic, correspondant probablement à la présence d’un système veineux non drainant.

INTRODUCTION

L’évolution spontanée de la maladie variqueuse est encore controversée. Classiquement il était admis que l’insuffisance de la jonction saphéno fémorale ou saphéno poplitée est le point de départ de la maladie, mais ce point de départ peut aussi être l’incontinence isolée d’une collatérale saphène [1]. L’origine des reflux veineux superficiels sur le membre inférieur paraît être un phénomène multifocal [2]. En fait, la cause la plus importante de la maladie veineuse pourrait impliquer un défaut ou un dysfonctionnement génétique des récepteurs endothéliaux peptidiques [3-5]. Dans le cas de l’insuffisance de la grande veine saphène (GVS) il n’a pas été clairement démontré que la crossectomie et le stripping étaient la meilleure solution pour obtenir un meilleur résultat. En effet, le pourcentage de récidives nécessitant une réintervention inguinale après chirurgie première de varices de la GVS est estimé dans de nombreuses études entre 20 et 30 % [6,7]. Beaucoup de récidives sont dues à un défaut de résection concernant, soit le tronc de la GVS, soit les communications incontinentes entre le système profond et le système superficiel ou tout simplement les varices. Mais certaines récidives pourraient résulter de la suppression de certaines voies de drainage (cause iatrogène après ablation de veines normales ou développement de varices dans le syndrome de sténose post thrombotique de la veine fémorale). D’autres auteurs [8] ont démontré que la chirurgie des varices, elle-même, pouvait générer de nouvelles varices, particulièrement en laissant en place un tronc saphène « non drainant » c’est à dire en laissant un tronc saphène qui ne se draine pas dans le système profond. Dans ce cas, le tronc résiduel « non drainant » ne se draine, ni par une jonction saphéno-fémorale résiduelle quand il est normalement fonctionnel avec un flux orthograde ni dans une perforante de réentrée lorsque ce tronc est incontinent. Peu de séries ont étudié l’évolution spontanée du système veineux dépourvu de tout tronc saphène principal ou accessoire. Afin d’étudier cette situation hémodynamique particulière, nous avons choisi d’évaluer les résultats à long terme obtenus après l’ablation complète des troncs saphènes, des varices et des veines superficielles. Cette étude a été réalisée dans le cadre de la chirurgie de la récidive grande saphène sur le territoire de la GVS laissant donc en place un type de système saphène non drainé.

METHODE

Patients

Entre 1992 et 1994, 137 patients consécutifs (170 membres) ont eu une réintervention chirurgicale qui a consisté à réaliser dans le même temps, une reprise de la jonction saphéno fémorale incontinente, l’ablation complète de toutes les varices et un stripping des éventuels troncs saphènes résiduels incontinents. Tous ces patients avaient été précédemment opérés par une crossectomie et un stripping du tronc de la GVS. Aucune donnée, tant pré que post -opératoire concernant la première opération n’était disponible.

Ces patients présentant une récidive variqueuse ont été classés rétrospectivement C2, C3 et C4 selon les critères de la classification CEAP. Les patients qui avaient présenté des thromboses veineuses profondes ou qui présentaient des signes cliniques d’insuffisance veineuse profonde ont été exclus de l’étude. Les patients avec une insuffisance de la petite veine saphène (PVS) ont été exclus. Chaque patient a été évalué cliniquement et par un examen écho-Doppler réalisé avant l’intervention et un mois après l’intervention par le même opérateur. L’examen écho-Doppler post opératoire a été fait pour confirmer que les varices ainsi que les troncs saphènes résiduels avaient été complètement retirés. Le marquage pré opératoire a été réalisé avec un examen ultra sonographique de la région fémorale (HITACHI EUB 555 [7.5 Mhz] ; ECOSCAN, les Ulis, France ; et ESAOTE AU 530 [10 Mhz] ; BIOMEDICA, Leperreux, France). Tous les patients présentaient un moignon résiduel à l’emplacement de la jonction saphéno fémorale avec un reflux supérieur à une seconde, mesuré après les mouvements de compression décompression des muscles du mollet.

Une néojonction fémoro-variqueuse (NJFV) était définie comme étant une nouvelle communication veineuse entre la veine fémorale et les varices ou les veines superficielles de la région inguinale. Cette nouvelle communication était située sur l’ancien moignon de crossectomie. Cette NJVF faisait communiquer la veine fémorale avec un tronc saphène résiduel ou avec des varices. Le terme de tronc résiduel rassemblait indifféremment, le véritable tronc dans sa position anatomique sous fasciale normale [9] ou un tronc saphène accessoire sus ou sous fascial (tronc collatéral ou saphène antérieure). La présence de perforantes incontinentes ainsi que la présence d’une insuffisance de la PVS ont été recherchées. Les patients opérés de récidives présentaient un des 4 types anatomiques de récidive suivants (figure 1) : type 1, présence d’un tronc saphène résiduel incontinent directement connecté à la veine fémorale par l’intermédiaire du moignon résiduel (collatérale de la jonction saphéno-fémorale ou jonction saphéno-fémorale intacte) ; type 2, présence d’un tronc saphène résiduel incontinent relié indirectement au moignon résiduel par l’intermédiaire de veines tortueuses inguinales nouvellement formées ; type 3, présence d’un tronc saphène résiduel incontinent dont l’extrémité proximale, à distance de la veine fémorale, n’était pas connectée au moignon résiduel ; type 4, présence d’un moignon résiduel associé à des varices diffuses. Les 3 premiers types présentaient un tronc résiduel incontinent et des varices alors que le type 4 ne présentait que des varices diffuses. Compte tenu du faible pourcentage de C3/C4, de l’absence de C5/C6 ainsi que de l’absence de signes cliniques d’insuffisance veineuse profonde ou d’antécédents de thrombose profonde, l’évaluation du système veineux profond n’a pas été réalisée de façon systématique.

Technique chirurgicale

L’intervention chirurgicale a été réalisée sous anesthésie loco-régionale par un bloc fémoral associé à des injections de solution de Lidocaïne diluée à 50% pour agrandir la surface d’anesthésie à l’ensemble du réseau variqueux résiduel. En fonction de la demande des patients, une injection de Midasolam ou Alfentanyl a été nécessaire pour le contrôle de la sensation psychologique et de la douleur. L’intervention a toujours été unilatérale. La chirurgie ambulatoire a été choisie par 82 % des patients ; ces patients ont quitté le centre chirurgical le jour de l’intervention. Pour les autres, la décision de rester une nuit en post opératoire a été laissée au choix du patient. L’opération a été réalisée par une voie d’abord latérale afin d’exposer le moignon résiduel comme décrit précédemment [10]. Après une première ligature du moignon résiduel au ras de la veine fémorale, le tronc (ou le tronc collatéral résiduel de la grande saphène) a été lié et strippé. La fermeture du moignon a été réalisée par un enfouissement à l’aide d’un surjet aller-retour enfouissant l’adventice de la veine fémorale. L’isolement de la nouvelle suture a été réalisé par l’interposition d’un patch ePTFE (W.L.GORE associates, Flagstaff, Arizona, USA). Les troncs résiduels incontinents ou les collatérales incontinentes ont été strippés à l’aide du Pin-stripper (Tüscher, Bern, Switzerland). Les varices ont été retirées par phlébectomie à l’aide d’un crochet de Muller. Le nombre d’incisions de phlébectomies a été noté pour chaque intervention. Aucune section de perforante par voie endoscopique sous-fasciale n’a été réalisée. Les perforantes incontinentes connectées avec le réseau variqueux ont été traitées par simple phlébectomie. La compression postopératoire consistait en l’application superposée de 2 bas élastiques de classe II (2 ? 20 mm Hg) pendant 3 jours suivis d’un simple bas de classe II pour 30 jours. La sclérothérapie n’a pas été proposée, elle a été choisie par 25 patients mais dans les faits peu réalisée.

Réalisation de l’étude

A partir de 1997 tous les patients ont été contactés au téléphone et ont répondu à un questionnaire ; ils ont été convoqués pour un examen clinique et écho-Doppler. Après l’évaluation clinique et écho-Doppler, les résultats ont été classés en 2 catégories (figure 2) : type A, absence de varice (équivalent C0, C1 de la classification CEAP) et type B présence de varices (équivalent au type C2 de la classification CEAP). Les membres qui avaient un résultat de type B ont été divisés en 2 sous groupes

1° type B1 : présence de varices visibles et palpables de plus de 3 mm de diamètre, mais ne présentant pas de reflux entre le système profond et superficiel (pas de reflux lors des manœuvres de Valsalva et lors des manœuvres de compression – décompression des muscles du mollet). La présence d’une simple varice, même de quelques cms de long, dans une des régions suivantes : région périnéale, inguinale, fémorale, jambière ou poplitée a été considérée comme la preuve d’une évolution variqueuse dans ce territoire.

2° type B2 : présence de varices et d’une autre communication incontinente entre le système profond et le réseau superficiel avec présence d’un reflux durant les mouvements de compression-décompression des muscles du mollet (perforante fémorale ou jambière incontinente ou incontinence de la PVS). Une nouvelle NJFV a été systématiquement recherchée au niveau de la face antérieure de la veine fémorale. Les données de ces patients ont été rassemblées et compilées. L’analyse statistique a utilisé le test de Chi 2 pour évaluer, premièrement les relations entre les récidives variqueuses 5 ans après réintervention et leur situation sur le membre inférieur (territoire contigu ou non contigu), deuxièmement les relations entre la récidive à 5 ans, l’âge des patients, le nombre de grossesse chez les femmes et troisièmement les relations entre le type anatomique de récidive avant l’intervention de récidive et le nombre d’incisions de phlébectomie pendant l’intervention de récidive. Une valeur de P inférieure à 0.05 a été considérée comme statistiquement significative.

RESULTATS

Entre 1997 et 1999, au terme du suivi après 5 ans, 100 patients ont été examinés, 90 femmes et 10 hommes, moyenne d’âge 53,5 ans, (répartis entre 26 et 72 ans). Les femmes avaient eu en moyenne 2,5 grossesses avant l’intervention de récidive. Aucune patiente n’avait présenté de grossesse après l’intervention de récidive. Aucune ne présentait de varices vulvaires qui pouvaient suggérer la présence d’une insuffisance des veines ovariennes ou génitales. Le délai de suivi était en moyenne de 4,9 années (extrême : 3 à 7 ans). Au total 119 membres (61 droits, et 58 gauches) ont été examinés. Pour 98 membres, aucune intervention de récidive n’avait été réalisée auparavant ; pour les 21 membres restant, 2 à 4 interventions pour récidives inguinales avaient déjà été réalisées auparavant. Avant l’intervention pour récidive, 34 membres présentaient une récidive de type 1, 23 présentaient une récidive de type 2, 4 présentaient une récidive de type 3 et 58 présentaient une récidive de type 4. Le nombre moyen d’incisions de phlébectomies était de 39,9 (extrême 5 à 92). Après 5 ans, pour 33 membres (27,7 %), l’examen clinique et écho-Doppler n’ont pas mis en évidence, de varices résiduelles ni de veines incontinentes (résultat type A) ; 86 membres présentaient de nouvelles varices, parmi eux 54 (45,3 %) présentaient un résultat de type B1 et 32 (26,8 %) présentaient un résultat type B2. Dans ce dernier groupe, 5 patients présentaient une nouvelle NJFV. Aucun patient n’avait de tronc saphène résiduel.

Le tableau 1 montre la localisation des nouvelles varices en fonction du type de résultat. L’analyse statistique a montré que les varices récidivées, après chirurgie itérative, étaient significativement plus fréquemment situées sur 2 territoires contigus, (région inguinale – cuisse, P=0.001) ; (cuisse – jambe, P=0.001) que sur 2 territoires non contigus (région inguinale – jambe, P=0.023).

La présence de varices sur 2 territoires contigus (cuisse et jambe) était significativement liée à la présence de varices de la région inguinale (P=0.002 quand il existait des varices inguinales et P=0.012 quand les varices inguinales étaient absentes).

Parmi les résultats de type A, aucune corrélation n’a pu être mise en évidence entre l’absence de varices et l’âge des patients (P=0.221) ou le nombre de grossesses (P=0.883). Par contre, la présence de nouvelles varices après chirurgie de la récidive (résultats de type B1 et B2) était significativement associée aux récidives opérées de type 4 (P=0.015) et au plus grand nombre d’incisions de phlébectomies pendant l’intervention de récidive (P=0.02) (tableau 2).

Les patients qui présentaient un tronc saphène résiduel avant l’intervention de récidives (récidive de type 2 et 3) étaient significativement corrélés aux patients qui présentaient un bon résultat sans varices au terme du suivi à 5 ans (résultat type A) (tableau 2). Parmi les 81 patients qui présentaient des résultats de type B1 et B2 après chirurgie de la récidive, 10 d’entre eux avaient déjà eu une nouvelle réintervention pour une nouvelle récidive. Ces interventions avaient consisté en une ablation d’une perforante de la fosse poplitée (2 patients), une résection d’une PVS incontinente (1 patient), une résection d’une perforante incontinente de la cuisse (1 patient) et des phlébectomies (6 patients).

DISCUSSION

L’examen écho-Doppler au terme du suivi n’a pas mis en évidence de nouveaux troncs résiduels de la GVS, qu’il soit sous fascial ou sus fascial. Cela signifie que l’ablation complète, chirurgicale, des troncs incontinents est efficace (aucune « recanalisation » des trajets de stripping n’a été constaté) ; pourtant elle n’empêche pas le développement de nouvelles varices. Les patients qui présentaient des troncs saphènes résiduels avant l’intervention pour récidive avaient probablement de troncs qui avaient été laissés en place durant la première intervention. Rétrospectivement, le diagnostic différentiel entre un tronc normal en position sous fasciale, un tronc accessoire sus fascial ou un tronc bifide [11] est difficile à établir. L’ablation complète du système veineux superficiel (tronc, collatérale et varices) dans le territoire de la grande saphène ne peut pas empêcher le développement de nouvelles varices dans ce territoire.

Si on considère que le critère de résultat « sans varices » est le même dans cette étude que celui de l’étude de Cappelli [8], les résultats à long terme de l’ablation complète des troncs saphènes et des varices ne sont pas meilleurs que ceux obtenus par la méthode de CHIVA où un tronc résiduel drainant est laissé en place, (27 % des patients sans varices à 5 ans pour 41,2 % avec la méthode de CHIVA). La diffusion progressive du réseau variqueux avec l’apparition de nouveaux vaisseaux superficiels sans communication incontinente entre le système profond et le système superficiel (type B1) peut être considéré, soit comme l’expression d’une maladie variqueuse sévère ou comme la conséquence hémodynamique d’un système définitivement stable représenté par un système saphène « non drainant ». Des varices diffuses résiduelles ou un tronc saphène résiduel non drainé pourraient induire le développement de nouveaux vaisseaux, ce processus se stabilisant avec l’apparition d’une communication de réentrée (néovascularisation inguinale). Le mauvais pronostic de ces varices diffuses pourrait correspondre à un système saphène définitivement non drainé. L’ablation complète de toutes les varices pendant l’intervention de récidive pourrait réduire ou du moins retarder l’apparition de nouveaux vaisseaux superficiels dans le contexte de système saphène non drainé.

En fait, la réintervention pour récidive après chirurgie de la GVS est difficile. Trois ans après une 1ère intervention, Fischer [12] rapporte 18 % de récidives, après 10 ans 48 % et après 34 ans 77 %. Mais dans cette étude, ont été considérés comme présentant une récidive seulement les patients qui le considéraient comme telles. Les résultats à long terme obtenus avec notre technique (avec un suivi moyen de 4,9 ans) sont identiques : 27,7 % des membres n’ont plus de varices et 45,3 présentent de petites varices isolées nécessitant seulement un traitement par sclérothérapie ou par phlébectomie. Seulement 26,8 % présentent une récidive qui justifie théoriquement une réintervention (PVS ou perforante).

La saphénectomie et l’ablation complète des varices au niveau de la cuisse sont des éléments clés du succès de la résection de la NJFV. L’ablation extensive des varices pendant l’intervention de récidive est aussi probablement un autre facteur de bon résultat.

La corrélation entre le nombre important d’incisions pendant l’intervention pour récidive (nombre qui est directement liée à la surface du réseau variqueux) et les nouvelles récidives à 5 ans sous la forme de varices diffuses (type B1, B2) suggèrent (tableau 2) que la maladie variqueuse peut être parfois maligne avec une forte tendance à l’évolutivité. Le même commentaire peut être fait pour les nouvelles récidives sous la forme de varices diffuses (type B1, B2) survenant après l’intervention faite pour les patients qui présentaient une récidive de type 4.

Concernant les patients de notre série, le fait que les varices diffuses sans reflux (type B1) étaient significativement identifiées, plus souvent au niveau de 2 territoires contigus qu’au niveau de 2 territoires éloignés, pourrait suggérer que la formation de ces nouveaux vaisseaux s’effectue de proche en proche. L’apparition de ces nouveaux vaisseaux au niveau de la région inguinale correspond probablement au développement de nouvelles voies de drainage vers le système veineux profond. La pression hydrostatique veineuse dans ces nouveaux vaisseaux pourrait expliquer la diffusion de contiguïté se faisant du territoire proximal vers le territoire distal. Ce fait pourrait expliquer la plus grande fréquence d’apparition de varices au niveau de la cuisse et de la jambe lorsqu’il existe déjà des varices au niveau de la région inguinale. Turton [13] a mis en évidence dans 19,6 % des cas après stripping des nouveaux reflux sur des veines auparavant normales. Ce dysfonctionnement hémodynamique temporaire pourrait être induit par une nouvelle organisation hémodynamique induite par la suppression du tronc saphène.

Dans notre étude la proportion importante de femmes (90 %) ainsi que le nombre moyen de grossesses (2.5) aurait pu influencer l’évolution de la maladie veineuse. Mais dans la mesure où l’âge moyen des patientes était de 48 ans et dans la mesure où aucune patiente n’avait présenté de grossesse après l’intervention de récidive, il est peu probable que des phénomènes d’imprégnation hormonale aient pu influencer les résultats. De plus, dans les résultats il n’a pas été possible d’établir de corrélation entre l’absence de varice et le nombre de grossesses (P=0.883). Cet éventuel facteur de risque avait, d’ailleurs, le même impact sur les femmes qui présentaient des varices diffuses et sur celles qui présentaient des troncs résiduels drainés. D’autre part, le pourcentage de grossesse relevé dans notre groupe est à peu près similaire à celui observé dans l’étude de Labropoulos, concernant 100 femmes sélectionnées de façon aléatoire (2.2) et présentant un reflux saphène identique [14].

En résumé, les résultats constatés à long terme sont probablement dus à la suppression du reflux veineux superficiel, à l’ablation extensive des varices et des troncs saphènes résiduels. La chirurgie de la récidive est un problème difficile parce que l’ablation nécessaire des troncs résiduels peut rendre encore plus difficile le drainage veineux superficiel. Néanmoins, dans la chirurgie de la récidive où les troncs saphènes ont été supprimés, l’ablation complète de toutes les varices semble être une mesure nécessaire pour limiter le risque d’une nouvelle évolution variqueuse. Une résection veineuse trop importante peut être pire qu’une résection insuffisante. De nombreuses études seront nécessaires pour démontrer que l’adaptation précise de la résection au trouble hémodynamique peut améliorer les résultats.

REMERCIEMENTS

Ce travail a été soutenu par la Société Suisse de Phlébologie. Les études statistiques ont été réalisées par le Pr F. KOHLER, Spieao, Université et faculté de médecine de NANCY France

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Tableau 1

Types et localisations des récidives variqueuses (n=86 membres) après 5 ans de suivi, après reprise chirurgicale inguinale pour NJFV et ablation complète des varices et des troncs saphènes résiduels.

Abréviations : PVS : petite veine saphène ; RPVS : récidive petite veine saphène ; PFP : perforante de la fosse poplitée ; RPFP : récidive sous la forme d’une perforante de la fosse poplitée ; PC : perforante de la cuisse ; PJ : perforante de la jambe et NJFV, néojonction fémoro variqueuse (nouvelle communication veineuse entre la veine fémorale et le système veineux superficiel située sur l’ancien moignon de crossectomie). Le type B1, correspond à la présence de varices visibles et palpables de plus de 3 mm de diamètre, mais ne présentant pas de reflux entre le système profond et superficiel. Le type B2 correspond à la présence de varices et d’une autre communication incontinente entre le système profond et le réseau superficiel.

 

Type (nb./% de membres) et localisation Nb. de récidives
B1 (54/62.7)
Varices et varicosités 38
Inguinal 22
Cuisse 57
Jambe 67
Cuisse et Jambe 81
Fosse poplitée 4
B2 (32/35.5)
Fosse poplitée 2 PVS, 1 RPVS, 4 PFP, 1 RPFP
Cuisse 8 PC
Jambe 10 PJ
Inguinal, Cuisse, Jambe 2 NJFV, 1 NJFV+ PC, 1 NJFV+RPVS
Inguinal 1 NJFV

Tableau 2

Relation entre les types anatomiques de récidives variqueuses constatés avant l’intervention et l’absence de varices au terme du suivi à 5 ans. Relations entre les récidives variqueuses au terme du suivi à 5 ans et le nombre d’incisions de phlébectomies faites pendant l’intervention pour récidive.

  • type 1 : présence d’un tronc saphène résiduel incontinent directement connecté à la veine fémorale par l’intermédiaire du moignon résiduel (jonction ou collatérale de la jonction saphéno-fémorale intacte) ;
  • type 2 : présence d’un tronc saphène résiduel incontinent relié indirectement au moignon résiduel de crossectomie sur la veine fémorale par l’intermédiaire de veines tortueuses inguinales nouvellement formées ;
  • type 3 : présence d’un tronc saphène résiduel incontinent dont l’extrémité proximale, à distance de la veine fémorale, n’était pas connectée avec le moignon résiduel de crossectomie sur la veine fémorale ;
  • type 4, présence d’un moignon résiduel de crossectomie associé à des varices diffuses.

Au terme du suivi à 5 ans le type A correspondait à l’absence de varice, le type B1, correspondait à la présence de varices visibles et palpables de plus de 3 mm de diamètre, mais ne présentant pas de reflux entre le système profond et superficiel et le type B2 à la présence de varices et d’une autre communication incontinente entre le système profond et le réseau superficiel.

 

Types anatomiques de récidives et % de récidives
Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 Nb. d’incisions
Résultats à 5 ans
Présence de varices (type B1 or B2) 29 12,7 2,3 5,58* 40,12†
Absence de varices (type A) 27,3 36,4 6,1 30,3 33†

* p=0.015 pour la différence entre le pourcentage de récidive variqueuse au terme du suivi à 5 ans (type B1 et B2) (figure 2) dans les récidives de type 4 comparées aux 3 autres types anatomiques de récidives (type 1, 2, 3) (figure 1).

† p=0.02 pour la différence entre le nombre d’incisions de phlébectomies réalisée pendant l’intervention de récidive chez les patients présentant de varices au terme du suivi à 5 ans (type B1 et B2) et le nombre d’incisions de phlébectomies réalisées chez ceux qui ne présentaient pas de varices au terme du suivi à 5 ans (type A)

Figure 1

Classification des types anatomiques de récidives opérées

Classification des types anatomiques de récidives opérées :

  • type 1 : tronc saphène résiduel incontinent directement connecté à la veine fémorale par l’intermédiaire du moignon résiduel (jonction ou collatérale de la jonction saphéno-fémorale intacte).
  • type 2 : tronc saphène résiduel incontinent relié indirectement au moignon résiduel par l’intermédiaire de veines tortueuses inguinales nouvellement formées.
  • type 3 : tronc saphène résiduel incontinent dont l’extrémité proximale, à distance de la veine fémorale, n’était pas connectée au moignon résiduel.
  • type 4 : moignon résiduel associé à des varices diffuses.

Figure 2

Classification des résultats à 5 ans

Classification des résultats à 5 ans :

  • type A : absence de varice (C0,C1 de la classification CEAP)
  • type B1 : présence de varices visibles et palpables de plus de 3 mm de diamètre, sans reflux entre le système profond et superficiel (pas de reflux lors des manœuvres de Valsalva et des manœuvres de compression – décompression du mollet) (C2 de la classification CEAP)
  • type B2 : présence de varices et d’une autre communication incontinente entre le système profond et le réseau superficiel, (C2 de la classification CEAP)
Date 2002
Auteurs J Phlebology 2002 ;2: 90-6 D. CRETON Denis Creton, MD, EC A Paré, rue A Paré, 54100 F, Nancy, France; téléphone: 33 3 83 95 54 00; fax:33 3 83 95 54 23