Aspects techniques de l’exérèse de la veine petite saphéne

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Aspects techniques de l’exérèse de la veine petite saphéne

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RESUME

La technique d’exérèse de la petite saphène semble faire l’objet d’un consensus. La voie d’abord est horizontale dans le pli poplité et l’ablation doit être complète avec une ligature au ras de la veine profonde. Le stripping doit être adapté précisément à la longueur de l’incontinence sur le tronc saphène. Cela signifie que l’échomarquage réalisé en présence de l’opérateur est indispensable pour visualiser dans l’espace la jonction saphéno-poplité qui est parfois de type complexe et pour définir la longueur d ‘incontinence sur le tronc. L’anesthésie locale est toujours possible. Les complications sont surtout neurologiques, essentiellement dues aux stripping de la moitié inférieure du tronc. Elles peuvent être évitées par une dissection de la fosse poplitée non extensive, réalisée sous anesthésie locale, à l’aide de loupe binoculaire, sans bistouri électrique et peuvent être limitées (8%) par le stripping par invagination de la moitié inférieure du tronc saphène.

INTRODUCTION

L’incontinence de la petite saphène concerne environ 10 % des patients porteurs de varices des membres inférieurs. C’est une pathologie, malheureusement, souvent récidivante qui traduit la variété anatomique d’abouchement de la petite saphène dans la voie profonde, l’existence de phénomènes hémodynamiques particuliers mal connus du confluent veineux poplité mais surtout les difficultés opératoires souvent rencontrées dans la dissection de la fosse poplitée. Ces difficultés opératoires ont fait la mauvaise réputation de cette chirurgie.

TECHNIQUE

1°) Voie d’abord.

Elle est classiquement postérieure. Le patient est installé en décubitus ventral, le genou fléchi à 45°. D’un point de vue historique de nombreuses incisions (Photo 1) ont été décrites : incisions verticales en J [1], incisions en Z [2], incisions arciformes à concavité inférieure. Ces incisions étaient faites pour agrandir la vision de la fosse poplitée par l’ouverture de différents lambeaux cutanés. Ces larges incisions ont été abandonnées. Actuellement l’incision est transversale juste à l’extrémité supérieure d’accessibilité du tronc de la petite saphène avant son inclinaison vers l’avant. Dans notre expérience une incision de 3 cm plus ou moins décalée vers le haut est toujours suffisante. L’aponévrose peut être ouverte verticalement ou horizontalement en la décalant plus ou moins vers le haut en fonction du repérage écho-doppler préopératoire.

Photo 1

La voie d’abord latérale externe décrite par Van Der Stricht [3] est une voie latérale qui ouvre l’espace poplité en arrière des tendons de la patte d’oie. Elle permet un accès facile de la fosse poplité en décubitus dorsal, le genou fléchi à 90°. Cette voie d’abord donne une très large exposition de la fosse poplitée qui est alors disséquée de la profondeur vers la surface mais cette voie donne un accès difficile sur les veines jumelles.

2°) Exérèse de la petite saphène.

a) La jonction saphéno poplitée :
  • Certains auteurs [4] ne réalisent qu’une simple ligature sous-fasciale à distance de l’abouchement de la petite saphène. Cette ligature est faite juste sous le fascia, donc largement à distance de l’abouchement de la petite saphène dans la voie profonde, elle s’apparente à une simple phlébectomie. Elle est très peu traumatisante, mais réalise une exérèse de la jonction saphéno-poplitée incomplète.Mais pour la plupart des auteurs, la résection complète de la jonction saphéno-poplitée avec une ligature placée au ras de la veine profonde est une nécessité. Cette attitude est largement consensuelle. Après section de la petite saphène, la dissection est réalisée à l’aide de loupes binoculaires de grossissement 3,5 de bas en haut, au plus près de la veine. Cette dissection est réalisée sans bistouri électrique. Les différentes collatérales veineuses sont sectionnées et clipées, les lymphatiques et les artérioles sont protégés. La section du moignon tracté de petite saphène est faite après deux ligatures de Vicryl placées au ras de la veine profonde. Cette façon de disséquer permet d’éviter le risque de lésion neurologique et d’éviter une large dissection exploratrice de la fosse poplitée.
  • S’il existe un tronc commun incontinent entre la petite saphène et les veines jumelles, celui ci est lié au ras de la veine poplitée. Si ce tronc commun est continent la ligature de la petite saphène s’effectue au ras des veines jumelles.
  • Dans le but de limiter le risque de récidive par néovascularisation, la suture du moignon par surjet transversal enfouissant de Prolène, la micro coagulation de l’endothélium, l’interposition d’un Patch sur le moignon, les colles biologiques, le cloisonnement de la fosse poplitée, la fermeture de l’aponévrose sont des éléments de technique souvent utilisés mais qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation de résultat. Il semble que la situation habituelle du moignon de ligature soit assez profonde pour que ce risque de néovascularisation soit beaucoup moins important que le risque de néovascularisation inguinale après chirurgie de la grande saphène.
b) Exérèse du tronc de la petite saphène.

L’exérèse du tronc incontinent ne doit intéresser que la partie incontinente du tronc de la petite saphène, c’est à dire de la jonction saphéno-poplitée jusqu’au point d’arrêt de l’incontinence. A cet égard nous avons l’habitude de diviser la longueur du tronc de la petite saphène en 4 portions entre 0 (jonction saphéno-poplitée) et 4 (région sous-maléollaire) (Photo 2).

 

Photo 2

  • L’ablation du quart supérieur de la petite saphène (0-1) (Photo 3) peut être réalisée simplement par une traction de l’extrémité distale de la petite saphène par l’incision de la fosse poplitée en plaçant le genou en hyperflexion.
    Photo 3

  • L’ablation des longueurs (0-2, 0-3, 0-4) est réalisée par un stripping.
  1. Le stripping peut être réalisé par un télescopage exoluminal (type Babkock), c’est le mode de stripping le plus efficace mais aussi le plus traumatisant.
  2. Le stripping peut être réalisé par un télescopage endoluminal par une simple ligature de la veine sur le stripper ou par une olive molle (fragment de saphène ou pièce de Merocèle) fixée sur le stripper. Cette olive molle déformable vient se mouler et s’intuber dans la lumière de la veine pendant le télescopage, et minimise le traumatisme du télescopage.
  3. le stripping idéal est réalisé par invagination en passant un stripper Vastrip 2+ ( Astratech, Mölndal, Suède) qui a l’avantage d’être rigide, avec une tête très fine. Mais le meilleur instrument est le pin-stripper de Oesch [5] (Tüscher, Berne, Suisse) (Photo 4). Sa rigidité permet, facilement, de le guider de haut en bas. Après avoir perforé la saphène, il est extrait par une incision de phlébectomie. Un fil inextensible est passé dans l’orifice de l’extrémité du pin stripper et lié sur la veine par 2 nuds par 1cm de son extrémité. La taille du pin stripper permet de réaliser un stripping complet par invagination de la petite saphène. Lorsqu’il se produit une rupture de la petite saphène pendant l’invagination, la mise en tension du fil laissé dans la lumière de la petite saphène permet, facilement, de la retrouver par une incision de phlébectomie. L’extériorisation de la portion résiduelle distale de la petite saphène permet en rattachant le fil à son extrémité de continuer l’invagination sur le fil de haut en bas.
    Photo 4 : Extrémités du Pin-stripper de OESCH

    Extrémités du Pin-stripper de OESCH

  4. l’exérèse complète par phlébectomies des différentes collatérales variqueuses est nécessaire.
  5. La fermeture de l’incision poplitée est faite en 2 plans, à l’aide d’un surjet de fil à résorption lente sur l’aponévrose et d’une suture intra dermique à points séparés de fil à résorption lente afin d’assurer la solidité de la suture transversale qui est, habituellement, soumise à des efforts de traction très importants en postopératoire lors des mouvements de mobilisation du genou.
  6. Le pansement peut être réalisé, soit, par un pansement élasto-compressif recouvert d’une bande à allongement long de type Biflex N° 16 ou par une double compression par bas superposés de 20 mm de mercure. Les 2 bas sont enfilés en salle d’opération comme pansement postopératoire et sont conservés 4 jours. Le bas superficiel peut être enlevé s’il n’est pas supporté en décubitus.

PREVENTION THROMBO EMBOLIQUE

Dans la chirurgie des varices il semble que le risque thromboembolique de la chirurgie de la petite saphène soit significativement plus important [6]. Certaines habitudes permettent de limiter ce risque. Nous réalisons systématiquement la chirurgie de la petite saphène sous anesthésie locale pure. Dans notre expérience 90 % des interventions sont réalisées en ambulatoire. L’anesthésie loco-régionale par un bloc sciatique avec repérage par électro-stimulations ou l’anesthésie péridurale sélective monolatérale sont des alternatives intéressantes pour le confort du patient mais sont des techniques moins faciles à utiliser en ambulatoire et s’accompagne plus fréquemment d’une vasoplégie per-opératoire. La prescription d’Hbpm après l’intervention semble être une attitude justifiée dans la chirurgie de la petite saphène.

COMPLICATIONS

1° ) Les complications neurologiques sont de loin les plus sévères. NEGUS [7] a rapporté 3 % de lésions du nerf saphène externe après exploration de la fosse poplité. Dans notre expérience [8], nous n’avons jamais eu de complication neurologique dans la chirurgie de la fosse poplitée réalisée sous anesthésie locale, sans bistouri électrique, avec des loupes binoculaires (Tableau I). Les lésions dues au stripping sont, par contre, beaucoup plus fréquentes. Nous n’avons eu aucune lésion neurologique sur 306 strippings par invagination de la moitié supérieure de la petite saphène (Tableau II) [8]. Dans la moitié supérieure du mollet le nerf saphène péronier est rarement au contacte la veine petite saphène et celle ci est séparée du nerf saphène tibial par un dédoublement aponévrotique [9] (Photo 5). Le risque est plus important à la partie basse de la jambe où la petite saphène, le nerf saphène tibial et le nerf péronier sont intimement liés (8 % de lésions neurologiques sur 23 strippings longs réalisés par invagination) (Schéma I et II). D’autres auteurs [10] ont rapporté 20,8 % de lésions neurologiques sur 24 strippings longs réalisés par télescopage.

Tableau 1

Tableau 2

Photo 5

Schéma 1

Schéma
 2

les lésions neurologiques les plus fréquentes sont celles survenant avec l’utilisation du crochet.

2°) Les complications cutanées, peuvent être dues au traumatisme du pansement l’élastocotonné ou exceptionnellement par les plis de la double contention par bas élastique situés aux endroits de flexion [11]. La suture transversale poplitée est particulièrement exposée à l’hyper pression du bas élastique lorsque celui-ci est trop long.

3°) Les complications thromboemboliques des interventions réalisées sous anesthésie locale en ambulatoire sont exceptionnelles.

4°) La hernie musculaire poplitée souvent inesthétique, parfois gênante, doit être prévenue par une suture complète de l’aponévrose poplitée. Elle peut survenir lorsque l’incision est très large.

INDICATION OPERATOIRE

L’écho Doppler préopératoire est un examen indispensable. C’est un geste qui fait partie de l’intervention, et qui doit être réalisé en présence de l’opérateur. L’examen est réalisé en position debout, en appui sur la jambe opposée, par des coupes transversales et verticales réalisées sur un mode systématique. Il doit permettre de répondre à plusieurs questions.

1°) Où se situe la source principale du reflux ?

Si la petite saphène rejoint directement la grande saphène au niveau de la région inguinale par l’intermédiaire d’une veine de Giacomini, aucun abord chirurgical de la fosse poplitée ne se justifie. Un stripping par invagination de la petite saphène et de la veine de Giacomini sur l’ensemble du membre est suffisant sans abord de la fosse poplitée.

Si la source du reflux est située au niveau de la fosse poplitée, l’abord de la fosse poplitée est nécessaire.

2°) Quel est le niveau et la face d’abouchement de la petite saphène ?

Dans notre expérience 78 % étaient situés entre 0 et 5 cm, au-dessus du pli poplité, 12 % entre 8 et 16 cm, et 10 % en dessous du pli poplité [12]. Le plus fréquemment, l’abouchement se fait sur la face postérieure de la veine poplitée. Il faut savoir que parfois l’abouchement se fait sur la face latérale et parfois antérolatérale.

3°) Quelles sont les relations de la petite saphène avec les veines jumelles ?

Le type de confluent avec les veines jumelles doit être reconnu [13]. La continence du tronc commun doit impérativement être précisée.

4°) Quel est le type de jonction saphéno poplitée ?

Dans les 2/3 des cas la jonction saphéno poplitée est représentée par une veine régulière, rectiligne avec une paroi épaisse identique à celle du tronc de la petite saphène. Dans 1/3 des cas, la jonction saphéno poplitée est de type complexe (veine tortueuse, à la paroi très fine, anévrismale, engainée par de la graisse) (Photo 6, 7). Dans ces cas de jonction complexe ou l’exploration chirurgicale est difficile un dessin préopératoire est essentiel à défaut pour l’opérateur de pouvoir mémoriser lui-même l’anatomie échographique avant l’intervention.

Photo 6

Photo 7

5°) Quelle est la limite supérieure d’accessibilité du tronc saphène ?

C’est en général à ce point que se fera l’incision transversale (Photo 8).

Photo 8

6°) Quelle est la longueur du reflux sur le tronc de la petite saphène ?

Cette longueur du reflux déterminera la longueur de l’invagination. Une exérèse définie entre 0-1 et 0-2 peut s’appeler un stripping court ou le risque neurologique est relativement faible et entre 0-3 et 0-4 un stripping long ou le risque neurologique est important (Photo 9).

Photo 9

RECIDIVE APRES CHIRURGIE DE LA PETITE SAPHENE

On ne dispose pas dans la littérature de données précises concernant les résultats à long terme de la chirurgie de la petite saphène. Il est clairement admis, aujourd’hui, que la plupart des récidives sont dues à des insuffisances d’exérèse. Dans notre expérience 75 % des récidives opérées étaient des exérèses incomplètes [14]. La prévention de la récidive nécessite d’une part un examen écho-Doppler préopératoire précis, et d’autre part une exérèse complète en sachant que l’exérèse complète n’est pas une garantie totale d’absence de récidive. En effet, après résection complète de la petite saphène la récidive peut apparaître sous la forme d’une perforante de la fosse poplitée.

REFERENCES

  1. DODD H. The varicose tributaries of the popliteal vein. Br J Surg 1965;52:350-354.
  2. DORAN FSA, BARKRAT S. Aspect of treatment. The management of recurrent varicose veins. Ann Roy Coll Surg Engl. 1981;63: 423-436.
  3. VAN DER STRICHT J, LEDANT P, DORIGNAUX JP. La saphénectomie externe. Abord postéro externe de la crosse. Phlébologie 1980;33:297-300.
  4. MILDNER A, HILBE G. Parvarezidive nach subfaszialer ligatur. Phlebologie 1997 ;26 :35-39.
  5. OESCH A. « Pin – stripping » : a novel method of atraumatic stripping. Phlebology 1993; 8 : 171-173.
  6. ARCHIV. Etat actuel de la chirurgie des varices. Présentation des résultats d’une étude multicentrique prospective sur 2118 interventions en deux mois. Phlébologie 1999 (à paraître).
  7. NEGUS D. Complications de la chirurgie veineuse superficielle, lésions nerveuses dans la jambe et dans la fosse poplitée. Phlébologie 1993 ; 46 : 601-602.
  8. CRETON D. Eveinage conventionnel : techniques, complications, résultats. in: Kieffer E, Bahnini A, (eds). Chirurgie des veines des membres inférieurs. Actualités de chirurgie vasculaire. PARIS, AERCV,1996, 125-143.
  9. PAYEN B. Rappel anatomique de la veine saphène externe. Phlébologie 1985 ; 38 : 453-461
  10. KOYANO K, SAKAGUCHI S. Selective stripping operation based on doppler ultrasonic findings for primary varicose veins for the lower extremity. Surgery 1988; 103 : 615-619
  11. CRETON D. Complications cutanées dues à la compression par doubles collants élastiques. (cas cliniques) Phlébologie 1998;51:363-364.
  12. CRETON D. Etude anatomo-chirurgicale de 41 jonctions saphéno-poplitées incontinentes. Peut on réduire le risque de récidive poplitée ? Phlébologie, 1998 ; 51:457-463.
  13. GILLET JL, PERRIN M, HILTBRAND B, BAYON JM, GOBIN JP, CALVIGNAC JL , GROSSETETE C. Apport de l’écho-doppler pré et postopératoire dans la chirurgie veineuse superficielle de la fosse poplitée. J Mal Vasc 1997 ; 22 : 33O-335.
  14. CRETON D. 125 réinterventions pour récidives variqueuses poplitées après exérèse de la petite saphène. (Hypothèse anatomique et physiologique du mécanisme de la récidive). J Mal Vasc. 1999 (à paraître).
Date 1999
Auteurs Phlébologie 1999 ;52 :169-74. D. CRETON EC. A.P, rue A PARE, 54100 F-NANCY, Tel : +33(0)3 83 95 54 00, Fax : +33(0)3 83 95 54 23