Chirurgie des varices. L’anesthésie loco-régionale pour réduire la douleur
Chirurgie des varices. L’anesthésie loco-régionale pour réduire la douleur
INTRODUCTION
Depuis 1953 [1] la réduction de la douleur dans la chirurgie des varices a évolué parallélement au développement de l’anesthésie loco régionale [2] [3]. Dans notre expérience l’anesthésie loco régionale régulièrement utilisée depuis 1986 semble avoir participé à l’amélioration des résultats de la chirurgie des varices .La diminution de la douleur nous a semblé un élément essentiel au développement de la chirurgie ambulatoire.
METHODE
Afin d’apprécier la douleur post opératoire, nous avons revu le suivi de 480 patients consécutifs opérés en 1995 à qui aucune consigne particulière de suivi avait été donnée, et nous avons effectué une enqu*te sur la reprise d’activité d’un autre groupe de 1340 patients, opérés entre 1994 et 1995.
Intégrée dans l’intervention, l’anesthésie loco régionale a été réalisée par un bloc crural avec recherche par électrostimulations réalisé avec de la Lidocaïne Hcl ( XYLOCAINE) 1 % . L’anesthésie a été préparée 30 minutes à 1 heure avant l’intervention.Elle a duré en moyenne 3 à 6 heures. Le contact par le dialogue a été maintenu durant toute l’intervention. La surveillance a porté surtout sur l’oxymétrie et la tension artérielle.
RESULTATS
Sur un total de 2848 blocs cruraux réalisés de 87 à 94 nous n’avons jamais eu de complications traumatiques par l’aiguille d’injection sur le nerf crural.Quelques patients ont décrit des sensations de ruisselement froid sur la face interne de la cuisse, sensations qui ont disparu après plusieurs mois. Malgré l’absence de contact théorique entre l’aiguille d’injection et le nerf crural pendant le bloc avec repérage par électro stimulation , nous avons eu deux patients présentant plusieurs années après, des douleurs fugaces épisodiques lors de certains mouvements de flexion de la hanche, pouvant faire évoquer l’existence d’un névrome post traumatique : l’électromyogramme était normal mais la Carbamazépine (TEGRETOL) s’est avérée efficace.
- Le confort postopératoire a été apprécié par une enqu*te réalisée en post opératoire au 30 ème jour chez 1340 patients opérés, Tab I. 74,5 % d’entre ont dit avoir repris leurs activités domestiques normalement le lendemain de l’intervention. 15 % au 5 ème jour, et 10,5 % plus d’une semaine après.
- Sur 450 patients opérés de varices en ambulatoire, Tab II, 2 patients ont vu leur médecin traitant en consultation pour un problème douloureux post opératoire au 8 ème jour, 14 patients ( 3 % ) ont appelé au téléphone le chirurgien pour un problème de douleur postopératoire entre le 2 ème et le 15 ème jour ( moyenne 8 jours) : aucun appel n’a justifié de consultation chirurgicale en postopératoire avant le 30 ème jour. Au 30 ème jour l’aspect clinique du membre a été jugé normal sans complication neurologique. Deux hématomes et une séquelle d’hypodermite expliquaient rétrospectivement la douleur post opératoire. Sur cette m*me série de patients, Tab III, 46 autre patients soit 10 % ont appelé le chirurgien pour des problèmes , essentiellement, de pansements et de compression post opératoires, 8 patients (1,7 % ) sont venus en consultation avant le 30 ème jour pour un autre motif que la douleur ( problème de compression, collants, bandes, problème de cicatrisation, d’oedème post opératoire). 45 patients (10%) ont vu leur médecin traitant pour des problèmes administratifs, de prescription médicamenteuse ou de conseil postopératoire ne concernant pas la douleur.
Au total : sur l’ensemble des patients ayant quitté le centre le jour de l’intervention sans aucune consigne imposée de contact téléphonique ou de consultation de suivi post opératoire, les 3/4 n’ont eu besoin d’aucun conseil avant le 30 ème jour. 1/4 des patients ont demandé conseil ,pour moitié en consultant directement leur médecin traitant et, les autres en téléphonant à leur chirurgien.Sur les 450 patients seulement 3,5 % d’entre eux ont eu besoin d’un conseil pour un problème de douleur post opératoire.
DISCUSSION
Si l’anesthésie générale permet par définition de supprimer la douleur per opératoire et son souvenir, certains détails de l’anesthésie loco régionale permettent de réduire cette douleur per opératoire.
- L’utilisation de la Mépivaca¥ne ( CARBOCAINE) offre une anesthésie locale plus puissante , plus rapide. Elle peut *tre utilisée aussi efficacement que la Lidoca¥ne (XYLOCAINE) avec une dilution à 0,5 . Le bloc crural à la Mépivaca¥ne donne une anesthésie proprioceptive plus profonde et plus confortable pour le patient. La durée du bloc est identique à celle d’un bloc réalisé à la Lidoca¥ne.
- Le stockage au froid des produits d’anesthésie et la dilution des produits acides ( LIDOCAINE Hcl) avec du bicarbonate de sodium rend les injections moins douloureuses.
- Le ressenti douloureux est limité essentiellement par le contact avec le patient . L’utilisation d’un appareil de synchronisation d’onde th*ta cérébrale par stimulation visuelle et auditive , et une technique très utile pour améliorer le confort opératoire. Enfin les anxiolytiques de type Midasolan, (Hypnovel) et les antalgiques de type chlorhydrate d’Alfintanyl ( Rapifen) injectés à la demande du patient en peropératoire ont, au delà de certaines doses un effet d’amnésie rétrograde intéressant pour le souvenir du vécu opératoire.
- L’habitude de l’anesthésie loco régionale oblige a réduire au maximum le traumatisme opératoire, par une incision inguinale limitée , excentrée en haut et en dedans, avec l’utilisation de la phlébectomie de Muller et l’usage systématique de l’invagination pour le stripping, en décrochant à l’aiguille les branches saphènes crurales postérieures qui sortent de la zone d’anesthésie.
- La réalisation de cette intervention en ambulatoire dans 90 % des cas [4] est le témoin de la réduction importante de la douleur par l’anesthésie loco régionale et par certains artifices techniques. Depuis 1987 l’augmentation régulière de 60 à 90 % de la chirurgie ambulatoire dans la chirurgie des varices traduit une amélioration régulière de confort postopératoire.
- L’importance des hématomes douloureux en post opératoire dépend du drainage et de la compression post opératoire, mais elle est fortement conditionnée par le saignement per opératoire. La chirurgie sous anesthésie locale pure ne s’accompagne pas de vasoplégie,habituelle par contre dans l’anesthésie générale ou dans la péridurale. Pareillement, le bloc crural s’accompagne rarement d’une vasoplégie par bloc sympathique. Ce rare bloc sympathique peut parfois ne concerner qu’une branche du nerf crural entraÓnant alors dans le territoire de cette branche une rougeur cutanée et une sensation de chaleur. L’absence habituelle de vasoplégie pendant le bloc crural minimise le saignement , les hématomes et la douleur postopératoire. Contrairement au bloc crural , le bloc sciatique s’accompagne toujours d’un bloc sympathique et d’une vasoplégie dans son territoire, c’est pour cette raison que nous ne l’utilisons pas pour l’anesthésie postérieure de jambe.
- Les complications douloureuses et séquelles douloureuses dans la chirurgie des varices sont essentiellement dues aux complications neurologiques [5], anesthésie douloureuse, névrome. Elles sont rapportées avec une fréquence non négligeable dans la chirurgie des varices sous anesthésie générale [6,7,8,9 ]. L’anesthésie par le bloc crural ne supprime pas la sensation particulière déclenchée par la mise en tension du nerf saphène pendant le stripping long. Nous avons montré que dans 1.2 % des cas [10] pendant l’invagination longue, il se produit un étirement du nerf saphène à l’union 1/3 moyen 1/3 supérieur de la jambe. La sensation , ou douleur décrite comme une crampe par le patient correspond à la mise en tension du nerf saphène au niveau de la boucle de retournement du stripping. Cette « crampe signal » permet d’éviter l’arrachement du nerf. Au début de notre expérience [10] le for*age de cette » crampe signal » avec l’aide d’antalgiques puissants a toujours été suivi d’une anesthésie douloureuse postopératoire de la face interne du tiers inférieur de jambe traduisant l’arrachement de nerf saphène. Cette prévention du risque de complication neurologique saphène ne peut se faire que sous anesthésie loco régionale.
CONCLUSION
- La douleur post opératoire précoce dans la chirurgie des varices vient d’abord de la sensibilité cutanée, elle est limitée par un geste chirurgical peu agressif, elle est réduite par la compression homogène réalisée en post opératoire par les collants élastiques.
- La douleur post opératoire durable vient essentiellement des hématomes sous cutanés, ils sont limités par l’anesthésie loco régionale par bloc crural.
- La douleur post opératoire définitive , ou « douleur séquelle » est toujours le fait d’une blessure neurologique par le stripping ou le crochet de Muller. Elle devrait pouvoir être évitée par un geste chirurgical attentif guidé par la vigilance proprioceptive conservée chez le patient opéré sous anesthésie loco régionale, par bloc crural.
REFERENCES
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- Goren G. Yellin A.E. Invaginated axial stripping and stab avulsion (hook) Phlebectomy : a definitive out patient procedure for primary varicose veins. Ambulatory surgery 1994 ; 2 : 27-35
- Creton D. Study of the limits of local anaesthesia in one-day surgery in the case of 1500 stripping of the great saphenous vein. Ambulatory Surgery 1993 ; 1 : 132-135
- Staelens I., Van der Stricht J- Complication rate of long stripping of the greater saphenous vein. Phlebology 1992 ; 7 : 67-70
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- Ramasastry S.S, Dick G.O., Futrell J.W. -Anatomy of the saphenous nerve : relevance to saphenous vein stripping. Am . Surgeon. , 1987 ; 53 : 274-277
- Cox S. J. Welwood J.M., Martin A. – Saphenous nerve injury caused by stripping of the long saphenous vein . Brit . Med . J., 1974 ; 1 : 415-417
- Creton D. Résultats des strippings saphène interne sous anesthésie locale ambulatoire ( 700 cas) . Phlébologie 1991 ; 44 : 303-311
RESUME
L’anesthésie loco régionale par bloc crural avec recherche neurologique par électrostimulations est l’anesthésie idéale pour la chirurgie des varices.Elle permet de réduire le saignement peropératoire et les hématomes,elle permet d’éviter une blessure neurologique du nerf saphène jambier pendant le stripping. Cette diminution concomitante de la douleur postopératoire est responsable du développement de la chirurgie ambulatoire des varices 90 % , du confort de la reprise d’activité domestique 74 % à 24 heures ( 1340 patients) et du peu de problème douloureux soulevé en post opératoire 3,5 % ( 450 patients).
Reprise d’activité domestique normale
1er jour | 74,5 % |
5ème jour | 15 % |
> 8ème jour | 10,5 % |
Problèmes douloureux post-opératoires
14 | Téléphone au chirurgien (2-15 j) | 3,5 % |
2 | Consultation chez le médecin traitant |
Problèmes de pansement et de contention post-opératoires
46 | Téléphone au chirurgien | 22 % |
8 | Consultation chez le chirurgien | |
45 | Consultation chez le médecin traitant |
Date | 1995 |
Auteurs | J. Pathol Digest, 1995 ; 5 : 20-21 D. CRETON EC Ambroise Paré, rue Ambroise Paré F- 54100 NANCY |