Résultats comparés des strippings sous anesthésie générale et sous anesthésie loco-régionale (200 cas)

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Résultats comparés des strippings sous anesthésie générale et sous anesthésie loco-régionale (200 cas)

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Ayant fait ces dernières années autant de varices sous anesthésie loco – régionale que de varices sous anesthésie générale, je me suis demandé si l’anesthésie locale ne pouvait pas améliorer les résultats de la chirurgie. Cette question ambitieuse vient de l’existence de détails techniques de l’intervention sous anesthésie loco-régionale qui permettent de penser qu’elle est moins agressive. Je veux parler tout d’abord du peu de saignement per-opératoire, donc du moindre risque d’hématome post-opératoire et partant de taches et de varicosités inflammatoires. Je veux parler aussi du moindre risque d’accrochage accidentel saphène interne durant l’intervention, donc du moindre risque d’accident dysesthésique post-opératoire. Pour se faire , j’ai comparé deux groupes identiques de patients ( environ une centaine), sélectionnés de façon homogène.

Cadre de l’étude

les patients présentaient tous des varices essentielles , non compliquées , sans ulcère, ni trouble trophique veineux, patients non obèses, d’âge et de sexe différents mais tous ayant bénéficié de la même intervention, à savoir une crossectomie, un stripping invaginant de haut en bas et des compléments de phlébectomies superficielles de type Muller au crochet avec la réalisation, durant l’intervention, d’une vingtaine de cicatrices en moyenne avec des extrêmes allant de 6 à 70 : cicatrices ne dépassant pas 3 mm. Ces interventions ont toutes été réalisées soit sous anesthésie générale classique avec quelques jours d’hospitalisation, soit sous anesthésie loco-régionale par bloc crural à la Mépivacaïne 2 % , 10 ml associée à des injections locales traçantes de Mépivacaïne 1 % ou diluée, sans que le total n’atteigne 60 ml. Le mode d’anesthésie a été choisi selon le désir des patients et non selon des critères anatomiques. Tous les patients ont été revus à 10 jours, deux mois et souvent 6 mois à 1 an pour les plus anciens.

Du fait de l’inexactitude et du côté incomplet de certaines données de résulats, il a été nécessaire de revoir 250 interventions sous anesthésie locale et 230 interventions sous anesthésie générale, complétées par l’envoi de 300 questionnaires.

Résultats

Le premier désir des patients , opérés de varices essentielles, est de voir disparaître leurs varices et leur gêne, avec le minimum de séquelles locales sur le membre et avec un maximum de confort opératoire et post-opératoire.

Parmi ces trois groupes de résultats escomptés après l’intervention , efficacité, confort et minimum de séquelles, seuls ont été étudiés ceux dont on pouvait espérer une amélioration par le mode d’anesthésie envisagée. Nous n’avons pas étudié le problème des récidives variqueuses ou plus simplement de la persistance de varices post-opératoires car il est en fait celui de la précision de reconnaissance de varices en pré-opératoire et de la précision opératoire ; il ne dépend pas du mode d’anesthésie.

La durée d’hospitalisation

Cette durée minimum d’hospitalisation est un critère très important pour les patients qui choisissent l’anesthésie locale. En effet sur 185 dossiers d’interventions de varices sous anesthésie locale, 80 % des patients sortent 6 heures après l’intervention, 18 % sortent le lendemain de l’intervention, 2 % restent trois jours et plus, alors que sur 108 dossiers d’anesthésie générale , 80 % des patients sortent le surlendemain de l’intervention et passent donc 48 heures en milieu hospitalier , 10 % des patients restent 3 jours et 10 % restent plus de trois jours . Les 80 % de patients, opérés sous anesthésie loco-régionale et qui sortent 6 heures après l’intervention , sont un pourcentage certainement minoré par le fait que certains patients, du fait de l’éloignement de leur domicile, préférent se sécuriser 24 heures en milieu hospitalier.

La durée de l’arrêt de travail

Tous les patients opérés ont eu une prescription systématique d’un mois d’arrêt de travail. Sur 185 dossiers d’anesthésie locale et 108 dossiers d’anesthésie générale revus dans cette optique, il est à noter que beaucoup de patients ont repris leur travail largement avant le mois prescrit.

TABLEAU I : Durée de l’arrêt de travail
Moins de 8 jours (%) 15 à 21 jours (%) 1 mois (%) plus de 1 mois (%)
A L-R 18 20 45 17
A G 15 20 40 25
TABLEAU II : Durée du séjour post-opératoire
6 h (%) 24 h (%) 48 h (%) 3 jours (%) plus (%)
A L-R 80 18 2 0 0
A G 0 10 70 10 10

Parmi les patients opérés sous anesthésie locale :

  • 18 p. cent ont repris le travail avant 8 jours ,
  • 20 p. cent ont repris le travail entre le 15 ème et le 21 ème jour,
  • 45 p. cent ont repris le travail au bout d’un mois,
  • 17 p. cent ont prolongé leur arrêt de travail au-delà d’un mois.

Parmi les patients opérés sous anesthésie générale

  • 15 p. cent ont repris leur travail avant 8 jours,
  • 20 P. cent ont repris leur travail entre le 15 ème et le 21 ème jour;
  • 40 p. cent ont repris leur travail au bout d’un mois,
  • 25 p. cent ont prolongé leur arrêt de travail au-delà d’un mois.

Ceci laisse à penser que l’intervention sous anesthésie loco- régionale permet de recouvrer une autonomie plus rapidement. Il faut remarquer que ce résultat est certainement en partie faussé par le fait que les patients , choisissant l’anesthésie locale, sont certainement beaucoup plus motivés pour se lever précocement, pour remarcher, quitter la clinique, reprendre rapidement une autonomie familiale et sociale et donc pour plus rapidement reprendre leur travail.

Les séquelles anatomiques

L’évaluation des hématomes post-opératoires est très difficile à apprécier car très subjective. Ces hématomes varient considérablement avec la taille des varices, que le patient soit opéré sous anesthésie locale ou générale. Par ailleurs, les interventions sous anesthésie loco-régionale, paraissant moins hémorragiques , sont aussi celles qui permettent une déambulation plus précoce et donc plus propice à de nouveaux saignements post-opératoires. C’est dire qu’il est pratiquement impossible d’apprécier efficacement l’évolution de ces hématomes sur plusieurs mois post-opératoires.

Varicosités

L’étude a été faite sur 182 patients , dont 98 anesthésies locales et 95 anesthésies générales , revus après plus de 2 mois.

L’apparition de ces varicosités en post-opératoire est un problème esthétique crucial pour la chirurgie des varices. En effet, si certains patients voient leurs varicosités diminuer en post-opératoire, voire s’effacer totalement, il en est d’autres qui , au 2 ème mois ou après le 2 ème mois, voient apparaître des varicosités quelquefois très importantes , souvent à des endroits situés en dehors des zones opératoires ( face externe de la cuisse ou face interne du genou), varicosités dépendant quelquefois de veines de drainage mais parfois violettes , étendues, qui se majorent aux premiers cycles menstruels post-opératoires. D’un point de vue général, 70 % des patients ne présentent aucune variation en plus ou en moins de leurs varicosités, 20 % des patients présentent une augmentation de leurs varicosités et 10 % présentent une diminution de leurs varicosités.

Si on compare les anesthésies locales et les anesthésies générales , on constate une légère amélioration des résultats chez les patients opérés sous anesthésie locale, encore que la différence ne soit pas assez importante pour que l’on puisse en tirer des conclusions formelles. 11 % au lieu de 9 % présentent une diminution de leurs varicosités. 20 % au lieu de 23 % présentent une augmentation de leurs varicosités et 71 % au lieu de 64 % ne présentent pas de variation des varicosités chez les patients opérés sous anesthésie locale.

Connaissant les variations quelquefois très importantes du réseau variqueux en fin de cycle hormonal chez la femme, nous nous sommes demandés si les interventions réalisées en fin de cycle, donc en phase oestro-progestative , ne pouvaient pas favoriser l’apparition de ces varicosités post-opératoires.

En effet, parmi les patients qui présentent une diminution de leurs varicosités, il s’agit presque toujours d’hommes, de patientes ménopausées ou de femmes opérées en début ou milieu de cycle. Par contre, les patientes opérées en fin de cycle ont une fois sur deux une augmentation nette de leurs varicosités en post-opératoire, alors que les patientes opérées en début de cycle ont une augmentation de varicosités uniquement une fois sur 4. Cela prouve encore que le problème du traitement des varices n’est pas seulement un problème mécanique valvulaire mais bien un problème plus général où s’intriquent certainement des phénomènes métaboliques et hormonaux.

TABLEAU III :
98 ALR (%) 95 AG (%)
Pas de modification des varicosités 71 64
Diminution des varicosités 11 9
Augmentation des varicosités 20 23
TABLEAU IV :
Augmentation des varicosités
Patientes opérées en début de cycle 47 13 27 %
Patientes opérées en phase oestro-progestative 46 21 45 %
Patientes ménopausées et hommes 45 2 5 %
Troubles neurologiques post-opératoires

L’étude de ces troubles post-opératoires a été réalisée sur 218 dossiers: 113 anesthésies locales et 106 anesthésies générales.

Nous avons relevé 4 types d’accidents tout à fait différents dans leur fréquence et gravité :

  • les accidents dus à l’arrachage accidentel d’un filet nerveux superficiel sensitif par le crochet de Muller lors des phlébectomies superficielles réalisées durant l’intervention. Il s’agit d’une petite zone d’anesthésie généralement allongée de 10 cm sur 3 en moyenne , répartie aussi bien sur la cuisse, sur la jambe et plus fréquemment sur le pied qui est très richement innervé en sous- cutané : 6 anesthésies locales et 6 anesthésies générales . Cette petite zone d’anesthésie est parfaitement anodine, reconnue des patientes . Elle a tendance à s’estomper après plusieurs mois . Cet accident ( 5%) est rarement évitable car lorsqu’il est ressenti par la patiente sous anesthésie locale , il est en général trop tard pour éviter sa lésion.
  • Accidents par blessure de la branche terminale du nerf saphène interne au niveau de son trajet malléolaire sur la cicatrice pré ou sous-malléolaire : 5 anesthésies locales, 8 anesthésies générales . Cet incident est évitable par une dissection minutieuse de la veine saphène interne à ce niveau. Quant il se produit , il réalise une petite zone d’anesthésie de 3 cm sous la malléole. Cet incident représente 5 % dans la statistique.
  • Accidents par lésion du nerf saphène interne pendant le stripping . Cet accident , survenu deux fois sous anesthésie générale, n’a pas pu être reconnu et laisse une large bande d’anesthésie sensible à la face interne de la jambe et du dos du pied. Deux fois cet accident est survenu durant une anesthésie locale au début de notre expérience. En effet, malgré l’anesthésie tronculaire crurale, tout étirement accidentel du nerf saphène interne à ce niveau est très vivement ressenti par la patiente. La prudence doit donc totalement permettre d’éviter ces lésions accidentelles du nerf saphène interne durant les interventions réalisées sous anesthésie loco-régionale, ce qui représente 2 % au début de notre expérience.
  • Accidents par lésion du nerf saphène externe au niveau du creux poplité lors de l’exploration de la saphène externe réalisée par une cicatrice horizontale ne dépassant pas 1 cm . C’est un accident rarissime. En effet, sur 180 explorations saphènes externes, soit pour ligature de la crosse , soit pour stripping , ceci n’a conduit qu’à un accident de dysésthésie au niveau de creux poplité durant une intervention sous anesthésie générale (0,5 %) . Il est remarquable, qu’à ce niveau ainsi qu’au tiers inférieur de la jambe , sous anesthésie loco-régionale, il est pratiquement impossible de toucher le nerf saphène externe sans en avoir immédiatement la traduction douloureuse.
TABLEAU V : Complications neurologiques
Complications neurologiques 113 ALR 106 AG ALR % AG %
AL suspendue 6 6 5 6
AL sous-malléolaire 5 8 4,5 8
Lésion nerf saphène interne 2 2 2 2
Lésion nerf saphène externe 0 1 0 0,5

Résumé

A partir de 100 dossiers complets d’interventions de varices comportant la crossectomie , le stripping long invaginant et les phlébectomies superficielles de type Muller réalisées en un temps sous anesthésie générale et de 100 dossiers identiques réalisés sous anesthésie loco-régionale , a été étudiée l’amélioration des résultats que pouvait apporter l’anesthésie loco-régionale. L’amélioration du confort porte surtout sur les durées d’hospitalisation qui permettent d’envisager la chirurgie ambulatoire dans 80 % des cas , et sur la durée de l’arrêt de travail qui peut être statistiquement raccourcie par l’anesthésie locale. Enfin, l’étude des séquelles anatomiques ( varicosités et troubles neurologiques post opératoires) montre surtout que l’apparition de varicosités dépend probablement de l’imprégnation oestroprogestative durant la période opératoire et montre de façon beaucoup plus évidente que l’anesthésie locale permet d’éviter , par son signal douloureux, la lésion du nerf saphène interne durant le stripping.

Auteurs Phlébologie 1989, 42: 121-130 D. CRETON EC. Ambroise Paré, rue Ambroise Paré 54100 F-NANCY