Phlébectomie mécanique avec transillumination : Tri Vex, évaluation comparative de la douleur avec la phlébectomie aux crochets de muller sous anesthésie locorégionale
Phlébectomie mécanique avec transillumination : Tri Vex, évaluation comparative de la douleur avec la phlébectomie aux crochets de muller sous anesthésie locorégionale
RESUME
L’instrument de résection/extraction variqueuse est constitué d’une canule d’aspiration de 4 mm de diamètre percé d’un orifice à l’intérieur duquel tourne un couteau en forme de cylindre qui vient couper les varices invaginées dans le tube par l’aspiration. La dissection des varices est facilitée par l’injection sous pression (500 mm Hg) d’une solution sous cutanée tumescente. La visualisation des varices est réalisée par transillumination en introduisant l’illuminateur sous les varices. Aucun marquage sur les varices ne doit être réalisé. La résection variqueuse s’effectue sous contrôle visuel par la transillumination en étirant la peau. Des incisions verticales de 3 mm sont placées stratégiquement à distance des varices. Après la résection des varices les hématomes sont aspirés puis l’hémostase est maintenue par une nouvelle hydrodissection tumescente. La compression post-opératoire est habituelle. Les petits hématomes de l’anesthésie locale gênant la visualisation des varices, celle ci doit être générale ou péri-médullaire (rachidienne ou péridurale). Les hématomes postopératoires induits par la vasoplégie de ces anesthésies sont l’inconvénient essentiel de cette technique. En effet l’évaluation de la douleur postopératoire, directement en relation avec les hématomes, a montré qu’elle était plus de 2 fois plus importante avec la technique Tri Vex sous anesthésie générale qu’avec des phlébectomies aux crochets sous anesthésie par bloc fémoral. L’anesthésie tumescente devrait limiter les hématomes induit par cette technique. Cette technique permet de traiter en une fois et relativement rapidement de très grande surface de phlébectomie.
INTRODUCTION
La phlébectomie ambulatoire aux crochets de Muller initialement réalisée au cabinet du médecin pour compléter l’exérèse variqueuse après le stripping chirurgical a finit par être découverte et acceptée par les chirurgiens il y a quinze ans. Elle est maintenant réalisée en même temps que le stripping, elle fait partie du stripping qui, lui, est devenu ambulatoire. L’exérèse complète des varices en un temps dans une intervention unique est un principe consensuel [1]. Les phlébectomies font maintenant partie de l’intervention et représentent, souvent, en temps passé, plus de la moitié de la duré de l’opération. Une intervention comportant un stripping de la veine grande saphène s’accompagne en moyenne d’une vingtaine de phlébectomies. C’est pour réduire cette partie du temps opératoire que certain ont imaginé un matériel TriVex (Smith + Nephew, inc. 160 Dascomb Road. Andover, MA 01810 USA) de phlébectomie mécanique (1). L’évaluation de la douleur postopératoire de la technique TriVex (douleur directement en relation avec les hématomes, eux même en relation avec le traumatisme opératoire) comparée à celle des phlébectomies aux crochets de Muller nous est apparue un premier élément intéressant pour évaluer cette nouvelle technique qui n’a fait encore aujourd’hui l’objet d’aucune validation.
(1) Gregory Spitz MD, F.A.C.S. Rush-Copley medical Center, Aurora, IL, USA
TECHNIQUE
Le principe du résecteur Tri Vex est celui des arthro-résecteurs (shaver) utilisés en chirurgie orthopédique sous arthroscopie. L’hydrodissection par la tumescence facilite la résection et la visualisation des varices par la transillumination.
L’instrument de résection/extraction variqueuse est constitué d’un tube aspiratif mousse de 4 mm de diamètre percé à son extrémité d’un orifice à l’intérieur duquel tourne un couteau en forme de cylindre qui vient couper les varices invaginées dans le tube par l’aspiration (Photo 1).
Photo 1 : Le résecteur est composé d’une canule d’aspiration à l’intérieur de laquelle tourne un couteau cylindrique (shaver) qui sectionne les varices invaginées à l’intérieur.
Les deux tubes sont à usage unique et s’emboîtent sur une pièce à main qui porte un bouton pour la mise en route de l’aspiration et un bouton de mise en route du couteau. Le couteau tourne à 700/1000 tr/min dans chaque sens ou en rotation alternée, il est actionné manuellement de la poignée du résecteur (Photo 2).
Photo 2 : L’ensemble canule/shaver est à usage unique et se fixe à l’extrémité du résecteur.
Pour faciliter l’extraction des varices une circulation de sérum est maintenue dans le circuit. Pour cela une arrivée de sérum salé 0.9‰ sous pression ainsi qu’une aspiration murale habituelle sont raccordés à la poignée du résecteur.
La dissection des varices est facilitée par l’injection sous pression (500 mmHg) d’une solution sous cutanée tumescente contenant un litre de sérum salé à 0.9‰ additionné de 50 ml de lidocaïne adrénaliné. Cette solution tumescente est injectée à l’aide de l’illuminateur et l’injection est déclenchée par pression d’un bouton sur l’instrument. L’illuminateur est un instrument dont l’extrémité est mousse (Photo 3).
Photo 3 : Le transilluminateur est branché aussi sur la tubulure d’injection sous pression de sérum afin de réaliser l’hydrodissection par la tumescence.
La visualisation des varices est réalisée par transillumination en introduisant l’illuminateur sous les varices. L’hydrodissection réalisé en même temps par l’illuminateur augmente aussi la diffusion de lumière. Les varices deviennent alors parfaitement visibles à condition que l’illuminateur ne soit pas trop profond ni entre les varices et la peau (Photo 4).
Photo 4 : La transillumination permet de visualiser le réseau variqueux avec une grande précision.
La résection variqueuse s’effectue sous contrôle visuel par la transillumination en étirant la peau. Après son introduction, l’orifice du résecteur, orienté vers la peau, suit la face profonde des varices du plus loin au plus près, en retirant progressivement le résecteur. Des incisions verticales de 3 mm placées stratégiquement à distance des varices tous les 20 cm en tenant compte de la longueur des instruments permettent d’introduire successivement les 2 instruments (photo 5).
Photo 5 : Les incisions placées stratégiquement autour de varices permettent d’introduire les 2 instruments et de travailler en visualisant avec le transilluminateur et en réséquant les varices avec le résecteur.
Après la résection des varices les hématomes sont aspirés puis l’hémostase est maintenue par une nouvelle hydrodissection tumescente poursuivi jusqu’à l’obtention d’un effet de peau d’orange qui traduit une certaine pression sous la peau.
L’anesthésie doit être une anesthésie générale, péri-médullaire (rachidienne ou péridurale) ou éventuellement loco-régionale si la situation des varices s’y prête (varices situées sur la face médiale de la cuisse ou de la jambe). En effet les petits hématomes dus aux injections de l’anesthésie locale gênent la visualisation des varices. Aucun marquage sur les varices ne doit être réalisé car le trait de feutre sur la peau gène la transillumination. La situation globale des varices doit simplement être entourée par un marquage au feutre indélébile (photos 6).
Photo 6 : Le marquage TriVex, à la différence du marquage dossier, est effectué à l’extérieur du réseau variqueux
La compression post-opératoire est habituelle. La vasoplégie induite par les anesthésies générales ou péri-médullaires nécessite la mise en Trendelenburg important pour limiter le saignement peropératoire.
METHODE
Afin d’évaluer la douleur post-opératoire nous avons demandé aux patients de noter, sur une échelle de 1 à 10, la douleur sur le membre opéré, avant l’intervention, pendant la réalisation de l’anesthésie loco-régionale par un bloc fémoral associé à des injections de lidocaïne, pendant l’intervention et tous les jours jusqu’au 5éme puis à 30 jours. Cette étude prospective a été réalisée sur 67 patients consécutifs présentant différents types d’interventions (stripping grande saphène, stripping petite saphène, récidive grande saphène ou poplité mais toujours avec une moyenne de 25 phlébectomies par intervention). Ces résultats ont été comparés avec ceux de l’étude de Spitz [2] dans laquelle l’évaluation de la douleur avait été faite avec la même échelle. Ce travail avait rassemblé 2 études, l’une, prospective, concernait 59 membres opérés sous anesthésie générale ou péri-médullaire par des phlébectomies TriVex et l’autre, rétrospective, concernait un groupe témoin de 114 patients opéré sous anesthésie générale ou péri-médullaire d’interventions comprenant des phlébectomies classiques aux crochets.
RESULTATS
Le niveau de douleur de nos patients opérés de phlébectomies aux crochets de Muller sous anesthésie loco-régionale étaient répartis selon le tableau I. La douleur préopératoire sur le membre était notée à 2.54 (extrême 0-9) et la douleur de l’anesthésie et de l’opération étaient inférieure à cette douleur (respectivement 1.78 et 1.61, avec des extrêmes à 0-9). La douleur diminuait ensuite régulièrement du premier au 5ème jour. La douleur du groupe témoin de patients opérés de phlébectomies sous anesthésie générale [2] était plus de 4 fois plus élevée au 2ème jour et au 30ème jour que dans notre groupe personnel de patients opérés sous anesthésie par bloc fémoral. La douleur du groupe de patients opérés de phlebectomies TriVex sous anesthésie générale [2] était moins élevée mais quand même plus de 2 fois plus élevée au 2ème et 5ème jour (3 versus 1.31 et 2 versus 0.85) que dans notre groupe de phlébectomies aux crochets sous anesthésie par bloc fémoral.
DISCUSSION
La transillumination par la lumière froide a déjà été utilisée avec succès par voie transcutanée pour le repérage des varices réticulaires de drainage et des varicosités [3]. Certain [4] ont montré que la transillumination percutanée réalisée en position couchée permettait de compléter et d’améliorer le marquage réalisé au préalable en position debout et de mettre en évidence le réseau variqueux avec encore plus de précision. L’hydrodissection et l’introduction de la lumière froide dans les tissus sous les varices permet une visualisation spectaculaire du réseau variqueux. Dans ce cas il n’y a pas de déplacement de l’ombre de la veine sous la peau comme dans la transillumination externe [3] ou la réflexion de la lumière sur la profondeur décale légèrement l’ombre de la veine sur la peau. La source de lumière avec la transilluminateur est directement sous la veine. Le marquage préopératoire des varices avec le schéma hémodynamique devant être impérativement archivé dans le dossier du patient il est nécessaire de le réaliser assez longtemps avant l’intervention afin qu’il puisse être effacé facilement avant l’opération.
Le saignement peropératoire est certainement l’élément le plus gênant durant le geste opératoire. L’ombre d’un hématome ou d’une varice est identique. C’est la raison pour laquelle l’anesthésie locale est impossible à utiliser. En effet, les petits hématomes des points d’injections gênent considérablement la visualisation de varices. Pour limiter la formation d’hématomes durant la résection il est nécessaire de travailler dans le sens de la longueur de la veine à retirer (du plus loin au plus proche) en retirant le résecteur tout en gardant avec l’autre main une pression pour faire l’hémostase à l’autre extrémité de la veine. Les hématomes sont reconnaissables à leurs formes nuageuses et à la facilité qu’ils ont à être aspirés par le résecteur.
Cette technique, pour l’instant, n’a fait l’objet d’aucunes études comparatives avec un niveau de preuve suffisant pour permettre de la valider. Dans son étude comparative ou tous les patients avaient été opérés sous anesthésie générale ou péri-médullaire l’auteur [2] note un gain de temps avec la technique TriVex par rapport aux phlébectomies (41 min versus 75 min), un nombre moins important d’incisions (5.6 versus 17) et une fréquence moins importante de complications locales, hématome, ecchymose, œdème, inflammation (6.8% versus 35%). Concernant la douleur, si celle ci était 2 fois moins élevée dans la technique TriVex par rapport aux phlébectomies aux crochets elle était très largement supérieure à la douleur des phlébectomies aux crochets réalisées dans notre série sous anesthésie par bloc fémoral. Le nombre d’incisions dans notre étude étaient pourtant plus important (25 versus 17). Ce n’est pas le nombre de phlébectomies qui induit la douleur post-opératoire mais plutôt les hématomes. Dans la comparaison de ces 3 groupes de patients la différence de douleur postopératoire n’est pas corrélée au type de phlébectomie (TriVex ou Crochet) mais plutôt au mode d’anesthésie utilisée. Le mode d’anesthésie joue un rôle fondamental dans la disparité de résultats de ces études, la vasoplégie induite par les anesthésies générales ou péri-médullaires provoquent inévitablement des hématomes douloureux et inconfortables dans les suites. C’est pour cela que les futures études comparatives de résultats devront intégrer le mode d’anesthésie.
Afin d’éviter la vasoplégie peropératoire l’anesthésie locale tumescente [5,6] est intéressante, elle permet d’obtenir une large surface d’anesthésie en gardant les avantages de l’hydrodissection. Cette technique d’anesthésie permet de couvrir de très grande surface située en dehors des territoires habituels des blocs fémoraux ou sciatiques. Dans ce cas la lidocaïne est diluée à 0.05 ou 0.1% dans du sérum salé à 9‰. L’injection de 400 ml à 700 ml de solution est en général suffisante pour réaliser un stripping. L’injection de plusieurs litres de solution est possible car les doses maximales recommandées sont de 55 mg/kg [7]. Les varices étant situées loin du derme donc loin des terminaisons nerveuses sensitives, cette anesthésie est particulièrement indiquée pour cette technique car le travail s’effectue à distance de la peau. De plus, il a été montré que les anesthésies régionales présentaient un risque de complication thrombo-emboliques moins important que l’anesthésie générale [8]. Mais pour la même raison que dans l’anesthésie locale, l’anesthésie tumescente doit être réalisée en évitant la formation d’hématome. L’anesthésie tumescente est intéressante mais c’est malheureusement une anesthésie beaucoup plus longue à réaliser et longue en installation.
Les possibles blessures cutanées dermiques lors de la résection de varices superficielles doivent être évités par un bon maniement du matériel. Certaine zone, comme la face antérieure de cuisse, demande beaucoup de prudence car l’excès de résection de varices peut entraîner, par l’aspiration de graisse, des déformations cutanées très inesthétiques. Avec un minimum d’apprentissage cette technique permet de traiter en une fois et relativement rapidement de très grande surface de phlébectomie. Les indications d’utilisation de ce résecteur devrait pouvoir s’étendre aussi aux endroits ou la phlébectomie est difficile (hypodermite) mais dans ce cas, du fait de la minceur de graisse, la transillumination est peu efficace. Par contre la résection de volumineuses varices thrombosées est une bonne indication.
CONCLUSION
Les hématomes postopératoires, certainement l’inconvénient essentiel de cette technique, sont dus, probablement à la technique, mais surtout à la vasoplégie induite par l’anesthésie générale ou péri-médullaire qui est obligatoire pour cette technique. A condition qu’elle soit réalisée sans hématome, l’anesthésie locale tumescente devrait diminuer cet inconvénient et permettre des phlébectomies extensives dont l’exérèse avec le matériel TriVex est extrêmement complète. Compte tenu de son coût en comparaison de la phlébectomie simple au crochet il est peu probable qu’un bénéfice quelconque, même le moins de temps passé pour un chirurgien travaillant sous anesthésie générale, puisse justifier le surcoût du matériel. Chez un patient opéré sous anesthésie générale ou péri-médullaire, seules, les phlébectomies étendues trouveront un intérêt dans la technique TriVex en terme de gain de temps bien que ces modes d’anesthésies du fait des hématomes soient particulièrement mal indiqués pour ce type de varices étendues. Pour des interventions réalisées sous bloc fémoral la technique TriVex n’apportera sans doute aucun avantage par rapport aux phlébectomie aux crochets de Muller.
REFERENCES
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- SPITZ G, BRAXTON JM, BERGAN JJ, Outpatient varicose vein surgery with transilluminated powered phlebectomy. Vasc Surg 2000;34:547-55
- GUEX JJ. La transillumination : un nouvel outil pour l’évaluation et le traitement des varices réticulaires et des télangiectasies. Phlébologie 2001 (à paraître)
- WEISS RA, GOLDMAN MP. Transillumination mapping prior to ambulatory phlebectomy. Dermatol Surg 1998 ; 24:447-50
- SOMMER B, SATTLER G. High ligation and stripping of the long saphenous vein. In : HANKE CW, SOMMER B, SATTLER G. (eds) Tumescent local anesthesia, Springer-Verlag, Berlin, Heidelberg, New York, 2001;160-70
- PROEBSTLE TM, PAEPCKE U, WEISEL G, GASS S, WEBER L. High ligation and stripping of the long saphenous vein using the tumescent technique for local anesthesia. Dermatol Surg 1998;24:149-53
- AMERICAN SOCIETY for DERMATOLOGIC SURGERY. Guiding principles for liposuction. Dermatol Surg. 1997;23:1127-9
- KEHLET H. Modification of responses to surgery by neural blockade : clinical implications. In: COUSINS MJ, BRIDENBAUGH PO (eds) Neural blockade in clinical anesthesia and management of pain, 2 nd edition. Lippincott, Philadelphia, 1988;145-88
Tableau 1
Evaluation de la douleur avec une échelle analogique de 1 à 10 : en préopératoire, pendant l’anesthésie par bloc fémoral (ALR), pendant l’intervention, à J1, J2, J3, J4, J5, J30 et J45, dans le cadre :
d’un stripping + phlébectomies aux crochets de Muller sous bloc fémoral (Creton), d’un stripping + phlébectomie Tri Vex sous anesthésie générale (Spitz [2]),
d’un stripping + phlebectomies aux crochets sous anesthésie générale (Spitz [2])
Douleur | Avant | ALR | Intervention | J1 | J2 | J3 | J4 | J5 | J30 | J40 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
ALR + Phléb Creton n=67 |
2,14 | 1,78 | 1,61 | 1,8 | 1,31 | 1,1 | 0,8 | 0,85 | 0,47 | |
AG + Tri Vex Spitz [2] n=59 |
3 | 2 | 0 | |||||||
AG + Phléb Spitz [2] n=114 |
6,5 | 4 |
Date | 2002 |
Auteurs | Phlébologie 2002 ;55 :65-70 D. CRETON EC. A. Paré, rue A. Paré, 54100 F-NANCY, Tel : 33 3 83 95 54 00, Fax : 33 3 83 95 54 23 |